Thursday, November 26, 2015

Retour sur Paris, Beyrouth et Bagdad: Une épistémologie de la torpeur

Politics
Opinion|Laurent Crépeau

Qu’on l’admette ou non, chacun de nous est encore en contemplation face à la barbarie. Alors que j’écris ces lignes, ces événements dont je n’ai point besoin de nommer l’essence nous communiquent toujours cette angoisse; cette langueur itérée par les médias et propagée massivement sur Facebook et Twitter. Curieusement, à l’ère de l’abrogation des frontières et de l’universalité du dialogue entre les populations, le monde reste toujours aussi fragmenté qu’il ne l’était. Nous sommes invariablement conscients de la vulgarité des usages qui ne sont que vanités et du caractère antinomique de nos actions. Au fond, nous savons tous qu’une note laissée sur un média social n’est rien pour parler de ce qui est arrivé. Or, pour bien d’entre nous, outre la pensée, il n’y a d’autre exutoire que celui-ci. Ainsi, nous sommes forcés de concéder qu’en bout de ligne, nous ne savons pas comment agir face à ce genre d’événement; qu’à présent, une torpeur irrigue notre pensée.

Que doit-on retenir du discours populaire? Vendredi dernier, nous étions sidérés. La soirée fut vite embaumée par la connaissance des événements. Suite à cela est venue l’oraison aux martyrs. Ceux se sentant concernés ont écrit sur le web, ont partagé leur sidération, ont appelé à une conscientisation et à une prompte mise en action. Au fil des jours, les #prayforparis ont rapidement conquis l’internet et les photos de profil arboraient l’étendard français bien ostensible. Bien sûr, il fut rapidement noté que la France n’était pas seule victime cette semaine. Beyrouth aussi pleurait ses morts; Bagdad aussi entrait en pâmoison. Des détracteurs bien-pensants déclarèrent l’hypocrisie dans le drapeau français et en rejetèrent le symbole, l’accusant de partialité indolente. Ironiquement, l’attention passa de la solennelle méditation à l’algarade futile. Ainsi, une journée après le drame, le devoir de souvenir était comme supplanté par la nécessité de se positionner sur la portée de son amertume. Que cherchons-nous dans ces bagatelles?

Après revendication des attentats, c’est sur Daesh que l’attention se porta. La polémique alors vers une possible intervention en Syrie ou une éventuelle limitation du flux de réfugiés arrivant dans les pays occidentaux. Certains dirent qu’il faut intervenir, d’autres que d’intervenir ne ferait que perturber la région encore plus. Quant aux réfugiés, 25 000 d’ici 2016 constituerait un objectif trop mirobolant. Ainsi, les populations sont divisées. Tel qu’un récent sondage CROP l’a mis en lumière, la question des migrants divise, plus de 20% se disent incertains. Le débat auquel nous faisons face divise d’autant plus qu’il nous force à confronter une possible dissension entre actions et principes. Une dichotomie s’élève entre les principes humanistes et ce qui pourrait être vu comme la protection de l’individu.

Or, ces questions ne se répondent pas sans considération. Il faut des faits pour alimenter la réflexion, hors, ceux-ci sont si aisément soumis à des distorsions fallacieuses. Où trouver la vérité à travers des médias biaisés et sensationnalistes? Et comment interpréter l’information qui nous est transmise?

Ultimement, parmi le peuple, nous faisons face aux mêmes rhétoriques caractéristiques de chaque débat post-attentat. Les prolétaires émulent les classes politiques en opposant la liberté individuelle insoumise à la possibilité de mesures draconiennes (parfois discriminatoires). Nous avons ces mêmes algarades à chaque fois que notre sécurité semble être en perdition. Et pourtant, par ces élans zélés vers une idéologie ou une autre, sommes-nous plus sages?

L’état dans lequel nous nous trouvons face à la violence insensée et au marasme nous pousse à vouloir agir quand il y a, sommes toute, très peu que l’on puisse faire, sinon prendre part à la clameur ou être en contemplation. Peu importe ce que l’on décide de faire, néanmoins, la psyché collective restera dans un état de torpeur. L’indolence, en ces instances, n’est pas permissible pour l’individu puisqu’elle coïnciderait autrement avec un consentement meurtrier. Ainsi, les temps à venir se montreront critiques. La polémique sera parfois véhémente et nous rendra possiblement témoins des plus extrêmes tendances des sociétés. Au travers de cette époque, l’important sera de garder le calme et restreindre la crainte, car les organisations comme Daesh ne peuvent survivre sans pusillanimité pour alimenter leur propagande.

Laurent Crépeau is a second-year Liberal Arts student who takes interest in History, Politics, International Relations, Law and Philosophy.
 

No comments:

Post a Comment