Friday, March 18, 2016

Comment la viande crue a changé le visage humain

Science
Column|Jérémie Gaudet

Contrairement à ce que les scientifiques croyaient jusqu’à ce jour, ce n’est pas d’avoir entamé la cuisson des aliments qui a façonné le visage de l’homme, mais bien d’avoir commencé à consommer de la viande crue.

Le 9 mars dernier, des chercheurs de l’Université Harvard aux États-Unis, Katherine Zink et Daniel Lieberman, ont publié dans la revue Nature une étude inusitée sur le sujet.

Selon cette dernière, l’introduction de la viande crue dans l’alimentation humaine aurait eu un impact important sur la structure du faciès de l’homme.  

Pour mieux comprendre ce phénomène, il faut plonger et retourner environ deux millions d’années dans le passé, à l’ère de l’Homo erectus, le second grand homme préhistorique, qui a suivi l’australopithèque. C’est à cette époque que nos ancêtres ont, pour la première fois, commencé à manger de la viande crue sous forme de petit gibier.

Il était déjà reconnu dans le monde scientifique que cet ajout au régime alimentaire a entrainé l’augmentation du volume du cerveau humain.  Cependant, nul ne se doutait que, du même coup, une étape importante de l’évolution du visage humain s’enclenchait.

Et, pourtant, c’est bien à ce moment que le bas de la physionomie de la figure de l’homme s’est forgé en grande partie. L’Homo erectus, dont la dentition était très semblable à celle de l’homme moderne, avait des dents plus petites et des muscles de la mâchoire moins robustes comparativement à ses prédécesseurs.

Katherine Zink et Daniel Lieberman ont analysé l’effort musculaire requis pour mastiquer de la viande crue.

Ils ont remarqué que ce dernier, lorsqu’il est couplé à l’utilisation d’outils (ce que l’Homo erectus faisait) pour travailler la viande avant de la manger, est bien moindre que celui nécessaire pour mâcher des protéines végétales.

Plus précisément, ils ont calculé que l’hominidé préhistorique aurait eu besoin de mastiquer 17% moins souvent et avec 26% moins de force en suivant un régime alimentaire composé d’un tiers de protéines issues de source animale crue préalablement concassées à l’aide d’outils de pierre.

Conclusion : parce que sa mastication demande moins d’effort, la consommation de viande crue a contribué à l’affaiblissement des capacités masticatoires humaines et, par le fait même, aux changements morphologiques du visage observables chez l’Homo erectus.

Ces modifications, qui incluent l’affinement du visage et la diminution de la taille des dents, auraient, selon l’étude, également contribué à l’amélioration de la parole et du langage de l’homme.

Toutefois, sans l’aide d’outils pour marteler la viande avant de la manger, cette évolution n’aurait pas été possible.

Les chimpanzés, qui ont des dents physiquement proches de celles de l’homme actuel, mais qui sont incapables de travailler leur nourriture avant sa consommation, demandent beaucoup de temps pour mâcher de la viande crue. Ils évitent donc bien souvent de consommer ce type d’aliment, qui ne pèse généralement que pour 2 à 3% de leur alimentation totale.

Katherine Zink relève d’ailleurs qu’un chimpanzé a déjà été observé à mastiquer un singe de la taille d’un petit chat pendant plus de onze heures !

En outre, les chercheurs ont aussi établi que la cuisson des aliments n’a probablement pas joué un rôle important dans cette évolution parce qu’elle est devenue monnaie courante il y a seulement 500 000 ans, ce qui est bien plus tard que l’époque de l’introduction de la viande crue dans le menu humain.

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