Actualités | Audrey Noiseux
L’affaire Patrick Lagacé, qui fait les manchettes depuis vendredi dernier, met en péril l’anonymat des
sources journalistiques, la liberté de presse de notre démocratie et, par conséquent, le droit à
l’information du public. Dans ce dossier, des juges de paix ont émis différents mandats, à
plusieurs reprises, permettant aux forces policières d’avoir recours à différentes mesures
intrusives, telles que d’avoir accès au registre d’appels et de messages textes du journaliste,
ainsi que l’activation à distance du GPS de son téléphone mobile. Pour l’instant, les motifs
ayant justifié l’obtention de tels mandats restent confidentiels.
Ce que nous apprenons dans les médias sur l’affaire Lagacé:
-
Du 13 janvier au 7 juillet 2016, au moins 24 mandats de surveillance policière ont été émis à
la demande de la section des Enquêtes spéciales de la police, chargée d’enquêter au sein
même des forces de l’ordre;
-
3 des mandats ont permis d’obtenir les numéros entrants et sortants de l’appareil, tant pour
les appels que les messages textes;
-
20 mandats ont été obtenus par le SPVM visant à obtenir l’identité des interlocuteurs de
Patrick Lagacé par le biais de leur compagnie téléphonique;
-
Un mandat de localisation a permis aux policiers d’activer le GPS du téléphone intelligent de
Patrick Lagacé, permettant ainsi, même si le SPVM dit avoir utilisé cette possibilité
« rarement », « presque jamais » ou « jamais », de savoir son emplacement exact;
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La juge de paix magistrat Josée de Carufel a autorisé la majorité des mandats de
surveillance;
-
Les données recueillies dans le cellulaire du journaliste seraient présentement sur une clé
USB « de type militaire » placée dans une voûte sécurisée;
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Patrick Lagacé aurait servi à une enquête voulant incriminer un policier soupçonné de
fabrication de preuves, ce qui aurait également nuit à des enquêtes.
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L’un des policiers visés par l’enquête était Fayçal Djelidi, accusé en juillet pour sollicitation de
prostituées et pour la façon dont il gérait ses sources policières;
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Aucune accusation n’a toutefois été finalement déposée contre ce dernier en lien à des fuites
médiatiques;
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Ce dernier aurait eu des contacts avec Patrick Lagacé, et ceux-ci auraient été suivis, peu
après, d’articles de journaux;
- Ces articles n’ont toutefois jamais été publiés par M. Lagacé lui-même, mais par d’autres journalistes, parfois travaillant pour les concurrents de La Presse, média pour lequel travaille le journaliste.
Selon nos sources, dont nous protégerons les identités, d’autres éléments seraient également à
prendre en considération avant de faire le procès de la juge de Carufel sur la place publique.
Rappelons que l’impartialité des juges de paix a été mise en doute ces derniers jours.
Campagne de salissage de la profession ou légitimes questionnements?
Dans les tribunaux, mardi matin, les réactions étaient vives au sein des juristes et bien
différentes de celles entendues dans les médias. Évidemment, puisque tous les juges sont
soumis à l’obligation de silence, ces contestations se font à huis clos. Notre journaliste a pu
échanger avec quelques membres qui prenaient part à cette conversation matinale.
Voici quelques éléments-clés que nos sources souhaitaient relever, anonymement:
Avant toute autorisation judiciaire, les juges de paix magistrats doivent prendre connaissance
des motifs justifiant la demande des mandats. Des déclarations sous serment sont produites au
soutien des demandes et les juges doivent les analyser, avant de prendre toute décision.
Les jugements émis par les juges de paix magistrats sont révisables en appel par un tribunal
supérieur, comme pour tout autre jugement de la Cour du Québec.
La juge de Carufel est victime de son procès médiatique, lequel, rappelons-le, elle n’a pas
l’autorisation de réfuter.
Les faits sur l’enquête demeurant à ce jour confidentiels, nous serons bientôt davantage en
mesure de juger la situation.
De nouveaux noms de journalistes épiés eux-aussi par le SPVM ont fait surface ces derniers
jours.
Qu’en est-il des méthodes de surveillance employées par les enquêteurs? Aurons-nous
de nouvelles surprises dans les prochaines semaines? Chose certaine, le dévoilement de
l’affidavit permettra de mieux comprendre et d’expliquer, en partie, les décisions du SPVM.
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